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Peut-on refuser de travailler seul ? Ce que dit la loi

Vous arrivez le matin et on vous annonce que vous serez seul sur site. Votre planning est organisé comme ça depuis des semaines : ouverture, fermeture, rondes, interventions… sans collègue à proximité. Dans ces moments-là, une question revient vite : peut-on refuser de travailler seul ?

Le problème, c’est qu’exercer seul n’est pas automatiquement interdit, mais cela peut devenir risqué selon le contexte. Et quand le doute s’installe, on hésite : faut-il accepter, contester, partir… au risque d’être en tort ?

La bonne nouvelle, c’est que le droit du travail apporte un cadre. Tout se joue autour de l’obligation de sécurité de l’employeur et, côté salarié, de la possibilité d’activer le droit de retrait en cas de danger grave et imminent.

Travailler seul en entreprise : de quoi parle-t-on exactement ?

On confond souvent deux réalités.

D’un côté, il y a le fait d’être isolé sur son lieu de travail : personne au même moment dans les locaux, ou personne accessible rapidement. 
De l’autre, il y a le travail isolé, au sens prévention des dangers : une situation où un salarié ne peut pas être vu, entendu ou secouru rapidement en cas de problème de santé.

Et c’est là que le droit devient plus concret : il n’existe pas de définition unique et figée du travail isolé dans le Code du Travail. Toutefois un employeur doit identifier ces situations via l’évaluation des risques, puis décider des mesures de protection et de l’organisation des secours adaptées.

Autrement dit : être seul en poste n’est pas illégal en soi. En revanche, faire travailler un salarié seul sans analyser les situations dangereuses et sans moyens adaptés peut poser un vrai problème… surtout si le poste expose à des dangers particuliers.


Un salarié peut-il légalement refuser de travailler seul ?

✅ La règle générale : on ne peut pas refuser par principe

Si votre contrat prévoit votre poste, vos horaires, vos missions, le fait d’être isolé ponctuellement ne suffit pas toujours à justifier un refus immédiat. Un refus sec d’un salarié peut être considéré comme une insubordination, s’il n’y a pas de danger caractérisé.

🚨 L’exception importante : le droit de retrait

Là où les choses changent, c’est quand vous avez un motif raisonnable de penser que votre situation présente un danger grave et imminent pour votre vie ou votre sécurité. Dans ce cas, le droit du travail permet au travailleur d’alerter l’employeur et de se retirer (ou s’opposer à prendre le poste) : c’est le droit de retrait.

La formulation est clé : ce n’est pas "j’ai peur", c’est "j’ai un motif raisonnable de penser que le danger sur ma santé est grave et imminent".


Mon patron me fait travailler tout seul : quand est-ce que ça devient un vrai motif de refus ?

Le droit de retrait n’est pas réservé aux salariés des métiers à risques sur le papier. Il dépend du contexte. Quelques exemples parlent mieux que de longues définitions.

  • Vous êtes isolé pour manipuler une machine ou intervenir dans un lieu où une chute, un coincement, une brûlure auraient des conséquences graves et où les secours mettraient du temps à arriver ;
  • Vous êtes isolé en fermeture de magasin ou sur un site exposé à une agression ;
  • Vous êtes isolé sans moyen de communication fiable, alors que votre activité impose de pouvoir alerter rapidement.

Dans ces cas-là, le sujet n’est pas « être seul » en soi. 
Le sujet, c’est : est-ce que l’isolement augmente fortement le risque ou aggrave ses conséquences ?

L’isolement peut aggraver les conséquences d’un accident si le délai d’intervention est prolongé, et qu’un employeur doit organiser les secours en conséquence.

Attention à une limite très importante : le retrait doit s’exercer de façon à ne pas créer un nouveau danger sur la sécurité et la santé d’autrui (clients, collègues, usagers…).



Obligations de l’employeur : sécurité au travail et travail isolé

Côté employeur, le cadre est très structurant.

📌 Obligation générale de sécurité

Le code du travail (article L4121-1) impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : prévention, information/formation, organisation et protections adaptés.

📝 Évaluer les risques et formaliser (DUERP)

L’évaluation des dangers n’est pas un concept flou : elle doit être transcrite et mise à jour dans le Document unique (DUERP)

Pour le travail isolé : un employeur doit analyser les situations d’isolement du travailleur (ponctuelles ou habituelles), identifier les risques associés, puis décider des mesures adaptées, y compris l’organisation des secours.

🚑 Organiser les secours et les moyens d’alerte

Le Code du travail prévoit aussi des obligations en matière de premiers secours : en l’absence d’infirmier permanent, l’employeur doit prendre (après avis du médecin du travail) les mesures nécessaires pour assurer les premiers secours, en lien avec les services d’urgence, et consigner ces mesures dans un document accessible notamment à l’inspection du travail.

📟 Et les dispositifs d’alarme (DATI / PTI) ?

Ils peuvent faire partie des solutions, mais un point essentiel est à souligner : déployer un dispositif d’alarme PTI / DATI ne suffit pas à lui seul à remplir les obligations. Ce type d’équipement n’a de valeur que s’il s’inscrit dans une procédure simple, testée, et une organisation des secours claire.


Quelles démarches suivre si travailler seul vous semble dangereux ?

Quand on cherche “droit du travail être seul sur son lieu de travail”, on veut souvent une méthode simple. Voici une démarche réaliste, qui évite de se retrouver isolé.

  1. Exprimer le risque, pas juste le ressenti
    Décrivez des faits : horaires, lieu, absence de moyen d’appel, antécédents (agressions, incidents), tâches à effectuer, délais d’intervention estimés. Plus c’est concret, mieux c’est.
  2. Alerter immédiatement l’employeur
    En cas de danger grave et imminent, le salarié alerte immédiatement l’employeur. C’est la première étape du mécanisme légal.
Même si l’oral peut suffire dans l’urgence, un écrit est conseillé. Service-public.gouv.fr précise que c’est préférable, même si ce n’est pas obligatoire.
  3. Si le danger est grave et imminent : exercer le droit de retrait
    Le droit de retrait permet au travailleur de ne pas accepter de prendre le poste ou de quitter la situation dangereuse, sans accord préalable, tant que des mesures adaptées n’ont pas été mises en place.
  4. Prévenir le CSE si vous en avez un
    Vous pouvez informer un membre du CSE. Le droit d’alerte du CSE en cas de danger grave et imminent est encadré : alerte immédiate, consignation sur un registre, enquête avec l’employeur, et en cas de désaccord possibilité d’alerter l’inspection du travail.
  5. Garder une trace
    Sans tomber dans la paranoïa : conservez les plannings, messages, signalements, réponses. En cas de litige, ce sont ces éléments qui permettent de discuter calmement des faits.


Le refus de travailler seul peut-il entraîner des sanctions ?

✅ Si le droit de retrait est exercé de manière légitime : non

Un salarié qui exerce légitimement son droit de retrait ne peut pas être sanctionné ni licencié pour ce motif, et il est payé normalement pendant cette période.

⚠️ Si les conditions ne sont pas réunies : le risque existe

Si, au final, on considère que les conditions du droit de retrait légitime n’étaient pas réunies, un employeur peut retenir le salaire correspondant à l’absence, et un contentieux peut s’ouvrir avec le travailleur.

C’est pour ça que la nuance motif raisonnable est si importante : on n’a pas besoin d’avoir raison à 100% sur le danger, mais il faut pouvoir expliquer pourquoi on a pensé qu’il était grave et imminent, de bonne foi, sur la base d’éléments concrets.


Travail seul en entreprise : quelles mesures de prévention attendre ?

Sans faire une liste interminable, on retrouve souvent les mêmes briques :

  • Organisation : éviter l’isolement du travailleur sur certaines tâches, prévoir un binôme, aménager les horaires, limiter les interventions à risque quand on est isolé ;
  • Consignes et formation : quoi faire en cas d’incident, qui appeler, comment sécuriser la zone, comment réagir face à une agression ;
  • Moyens de secours : consignes de secours, matériel, procédure connue et accessible ;
  • Moyens d’alerte / communication : selon le contexte, cela peut passer par des équipements de communication, ou un dispositif d’alarme pour travailleur isolé (DATI). Cela peut être un boîtier PTI, un smartphone PTI ou encore une montre PTI.


En résumé

Travailler seul n’est pas interdit, mais un employeur doit évaluer les risques sur la sécurité et la santé, prévoir des mesures de prévention et organiser les secours si l’isolement expose à un danger.

Un salarié peut refuser via le droit de retrait uniquement s’il a un motif raisonnable de penser à un danger grave et imminent sur sa sécurité, et en alertant immédiatement l’employeur.

Pour sécuriser le travail isolé, des solutions PTI/DATI peuvent fiabiliser la chaîne d’alerte : Vigicom propose des dispositifs adaptés.